Lacloche, redécouverte d’un trésor oublié de la période Art Déco
En 2025, alors que le monde célèbre le centenaire d’un style révolutionnaire, l’Art Déco, un trésor longtemps oublié refait surface. Par-delà les grandes maisons célèbres, ce sont les joyaux cachés, comme ceux de la Maison Lacloche, qui captivent aujourd’hui les passionnés de joaillerie et d’histoire. Dans cet article, intéressons-nous de plus près à cette Maison.

Lacloche Frères : la fondation familiale d'un empire européen
La Maison Lacloche, fondée en 1892 par Léopold Lacloche à Bruxelles, s’installe rapidement à Paris avec ses frères Jules, Fernand et Jacques, formant la société "Lacloche Frères", puis "Lacloche et Cie". Cette famille joaillière bâtit un véritable empire joaillier en Europe, implantant des boutiques dans des stations balnéaires prisées comme Trouville, Nice, et Monaco, ainsi qu’à Madrid et Londres. Dès ses débuts, Lacloche se distingue par une créativité raffinée et un savoir-faire technique, s'appuyant sur le talent des meilleurs artisans de son temps pour donner vie à ses modèles.
Les bijoux caractéristiques de la Maison Lacloche
Lacloche Frères incarne l’Art Déco par l’excellence technique et l’esthétique caractéristique de ses bijoux. Leur style mêle lignes géométriques, contrastes audacieux de couleurs et matériaux exotiques, tels que l’onyx, le jade, le corail, l’émail ou le cristal. Le "goût Lacloche" se distingue par une forte inspiration asiatique et exotique, avec des motifs floraux et animaux venus d’Orient, traduisant la vogue des années folles pour les pays lointains. Chaque pièce porte discrètement la signature "Lacloche Frères" ou simplement "Lacloche", parfois suivie de la mention "Paris", gage d'authenticité et de provenance.
Les imposantes bagues Lacloche
Réalisées principalement en platine ou en or, ces bagues associent des lignes géométriques et des détails stylisés typiques de l'Art Déco, souvent soulignés par un sertissage précis de diamants taille ancienne, d'émeraude, de rubis ou de saphirs. Leurs montures finement ciselées révèlent parfois des motifs floraux ou abstraits.
Les broches, clips et pendentifs à motifs exotiques
Les broches, clips et pendentifs de la maison jouent sur les sujets exotiques, souvent mêlant faune et flore inspirées de la Chine ou du Japon. Véritables miniatures d’orfèvrerie, ces bijoux sont réalisés avec des techniques méticuleuses comme l’émail cloisonné, la gravure et la sculpture des pierres fines, donnant à chaque pièce un caractère unique.
Les nécessaires, minaudières et objets précieux
En plus des bijoux, Lacloche crée des nécessaires de beauté, minaudières et objets de luxe ornés de diamants, pierres dures sculptées et platine, répondant ainsi à la demande des femmes émancipées des années 1920. Ces pièces illustrent parfaitement le raffinement discret et la sophistication du luxe Art Déco, tout en étant des témoins de l’évolution des codes sociaux et esthétiques de l’époque.
Les diadèmes et parures de grandes commandes
La maison Lacloche a également réalisé de grandes commandes de diadèmes et parures pour une clientèle aristocratique et cosmopolite. Ces ensembles somptueux mêlent innovation, savoir-faire traditionnel et imagination artistique ainsi qu'une forte richesse décorative.
Les sautoirs et bracelets à motifs narratifs
Les sautoirs et bracelets possèdent souvent des motifs narratifs, mettant en scène des scènes ou compositions symboliques, rehaussées par des pierres colorées et le travail du platine. Ces bijoux, au-delà de leur élégance, témoignent d’un discours artistique fort, mêlant modernité et références culturelles.
L'ascension internationale et l'âge d'or Art Déco
Le point d’orgue de la maison Lacloche survient lors de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925, événement fondateur de l’Art Déco.
La maison y présente une collection remarquée dans le pavillon de l’Élégance, qui lui vaut un grand prix et une reconnaissance internationale. Avec des créations exposées aux côtés de Cartier et Van Cleef & Arpels, Lacloche affirme son positionnement parmi les leaders de la joaillerie de l'époque Art déco. Son style reflète la modernité, mêlant rigueur géométrique et richesse matérielle, séduisant une clientèle internationale cosmopolite et exigeante.
Après ce premier événement, les participations à d'autres expositions ne cessent de s'enchaîner : à New York, Londres, Bruxelles... Les bijoux Lacloche ont su conquérir une clientèle cosmopolite, dont des membres de la royauté, des personnalités publiques (notamment le cinéma) ainsi que des collectionneurs fortunés. La maison a affirmé son rayonnement international en ouvrant des succursales prestigieuses à Londres, sur New Bond Street dès 1912, ainsi qu'à Madrid, où elle bénéficiait d'une branche espagnole dès la fin du XIXe siècle, et à Buenos Aires avec la société Coven-Lacloche sur la très élégante Calle Florida. Cette présence dans plusieurs capitales européennes et au-delà, aux Amériques, témoigne de l'ambition et de l'expansion réussie de la maison Lacloche hors des frontières françaises, lui permettant de s'imposer sur la scène internationale de la joaillerie.
La crise : chute et disparition
Toutefois, la crise économique des années 1930 affecte durement la maison Lacloche, qui ferme ses portes en 1939. La Seconde Guerre mondiale et la mutation des goûts joailliers rendent difficile la survie des maisons traditionnelles. Après la guerre, Jacques Lacloche relaie une activité plus contemporaine sous son propre nom, mais la maison emblématique telle qu’elle existait disparaît progressivement, laissant derrière elle un héritage fragmenté et des archives perdues.
Renaissance : redécouverte et reconnaissance culturelle
Aujourd’hui, Lacloche connaît une renaissance bienvenue dans le paysage joaillier. Ses bijoux sont recherchés par les collectionneurs et spécialistes pour leur qualité exceptionnelle, leur originalité discrète et leur reflet d’une époque fascinante.
Cette renaissance a pris un tournant décisif en 2019 avec une exposition majeure organisée à l'École des Arts Joailliers, à Paris, sous l'égide de Van Cleef & Arpels. Cet événement a levé le voile sur une collection inédite de 74 pièces, dispersées jusque-là à travers le monde dans des collections privées aussi prestigieuses que celles de Londres, New York ou Tokyo.
Cette même année, une publication importante : une monographie "Lacloche Joailliers", écrite par Laurence Mouillefarine, journaliste spécialiste du marché de l'art, et Véronique Ristelhueber, documentaliste et iconographe voie le jour. Elle est reconnue comme une référence majeure pour l'histoire de la maison Lacloche, s'appuyant sur des archives familiales inédites et présente plus de 700 documents, dont des albums extraordinaires de gouaches de bijoux, des boîtes et pendules conçus pour l'Exposition internationale de 1925.
En 2023, cette effervescence s'est prolongée par la tenue d'autres expositions, poursuivant le travail de conservation et de valorisation du patrimoine de la maison, soutenu par des galeries spécialisées et des historiens de la joaillerie.
Cette redécouverte témoigne aussi de l’intérêt renouvelé pour l’histoire de la joaillerie française et de ses artisans, dans une perspective à la fois patrimoniale et culturelle.
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